Nos cerveaux fonctionnent de manière mystérieuse. En cherchant presque tous les soirs une citation sur l'art, je tombe sur l'écrivain anglais Virginia Woolf. Quelques jours plus tard, je me retrouve dans l'atelier de l'artiste hispano-belge Isabel Miquel Arqués, dont les œuvres sont exposées à la galerie Ingrid Deuss d'Anvers.
On me reproche parfois de penser de manière associative et d'oser sauter les étapes logiques pour raconter mon histoire. Peut-être l'introduction ci-dessus semblera-t-elle donc plutôt énigmatique au premier abord. Isabel rit quand je lui explique mon cheminement de pensée et me rassure en me disant que son cerveau fonctionne de similairement. Elle est occupée à terminer la deuxième partie de sa trilogie Beyond Borders. Avant cela, elle s'est rendue dans le groupe Bloomsbury, en Angleterre, pour son projet photo sur Virginia Woolf.
Une trilogie de femmes fortes
Pour le premier volet, Isabel s'est rendue à Rungstedlund, au Danemark, où son appareil photo a dialogué avec des objets quotidiens de la vie de Karen Blixen, que nous connaissons surtout comme l'auteur du livre "Out of Africa". "Et bientôt, je me rendrai à Santa Fe, au Ghost Ranch de Georgia O'Keeffe, pour travailler sur le dernier volet de la trilogie. Je suis encore en train d'élaborer le deuxième livre, mais l'occasion s'est déjà présentée de me rendre au Nouveau-Mexique. Et je saisis cette opportunité à deux mains. (rires)"
Pendant la conversation, une artiste enthousiaste me prend en remorque parmi toutes les différentes idées sur lesquelles elle travaille actuellement. Sur le sol de son atelier se trouvent des photographies de la série “The Spain of My Father” pour laquelle elle a reçu une reconnaissance honorable au Japon lors du prestigieux Hariban Award 2022. Quelques secondes plus tard, je me trouve devant une table remplie d'objets qui, à première vue, ressemblent tous à des oreilles. Elle convient que ce sont bien des objets qui auraient pu faire partie de l'exposition collective que l'on peut visiter jusqu'au 16 avril à la Villa Les Zéphyrs à Westende. Pour moi, Les oreilles de la mer est une installation où se rejoignent toutes les narrations artistiques de l'œuvre d'Arqués.
Contrairement à l'artiste fougueuse qui passe avec aisance de l'anglais à l'espagnol et au néerlandais au cours de la conversation, son œuvre ne pourrait pas être plus différente de son personnage. "Je choisis l'imperfection de l'image. Mon travail disparaît presque dans le support. J'accorde une énorme attention à la matière et à la texture de mes œuvres. Je veux que le visiteur ressente une envie irrésistible de toucher mon œuvre, qu'il soit entraîné dans l'histoire que j'y associe." L'artiste travaille d'habitude en noir et blanc, mais elle confie que Woolf l'a encouragée à laisser la couleur dans les images.Elle ne trouve pas d'explication à cela, la vie de Woolf, l'environnement où j'ai suivi ses traces, réclame de la couleur. Elle relève donc le défi.
Un habitat naturel
Au cours de la recherche d'une citation mentionnée plus haut, j'ai également noté "Ce sont les imperfections qui rendent une chose belle. C'est ce qui la rend différente et unique de tout le reste". Cette citation de Bob Ross, l'enthousiaste grincheux qui a appris à la moitié du monde à peindre, pourrait parfaitement résumer la galerie Ingrid Deuss où sont exposées les œuvres d'Arqués. Deuss est expérimentée dans le monde de la photographie et a créé en 2011 sa propre galerie à Anvers où elle expose des artistes qui ont tous deux choses en commun. Tout d'abord, leur travail doit dégager une imperfection poétique et en même temps délivrer un coup de foudre. Je ne peux que souscrire à ces deux sentiments en admirant le travail intimiste d'Isabel Miquel Arqués.